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MMFL MMFL L'apparition de nouveaux régiments d'hélicoptères de combat équipés de Mi-24A à partir 1973 puis ensuite de régiments supplémentaires volant sur Mi-24D à partir de la fin des années 70 n'a pas manqué d'inquiéter l'OTAN. L'un de ces nouveaux régiments est arrivé à Nohra en 1979 et il a bien entendu suscité l'intérêt des Missions militaires de liaison occidentales. Un équipage français composé d'un officier, et de deux sous-officiers de l'Armée de l'Air appartenant à la Mission Militaire Française de Liaison (MMFL) de Potsdam, a été victime d'un "blocage" (1) près de ce terrain quelques mois plus tard. En voici le récit, compilé grâce aux recherches effectuées par Christian Handwerck dans les archives de la Stasi ainsi que grâce au témoignage de l'un des acteurs directs, l'adjudant (à l'époque) Jean-Yves Prat.

Mi-24D Les premières photos des Mi-24D du 336.OBVP furent réalisées dès le 26 mai 1979 par une équipe de la USMLM, alors que le régiment était en cours de transfert depuis Berdyansk. L'équipe "Air" envoyée sur place suite à des informations fournies par TAREX (voir l'article "Allons chercher ces Foxbat !") nota également la présence de "Hip-C" et "-E". On peut voir en arrière-plan de cette photo réalisée ce jour-là, un Mi-2 appartenant sans doute au 298.OVE BU également présent à Nohra. © USMLM.

The first Mi-24D pictures of the 336.OBVP were taken by a USMLM team as early as the 26th May 1979 when the unit was being transferred from Berdyansk. The Air Team responding to a TAREX notification (see "Let's go get Foxbat!") noted that "Hip-C" and "-E" were also present. One can see in the background of this picture taken on that day, a Mi-2 probably from the 298.OVE BU also based at Nohra. © USMLM.
Le 11 janvier 1980, l'activité aérienne avait débuté vers 9 heures du matin sur le terrain de Nohra en Thuringe. Le véhicule de grande liaison (VGL) Mercedes 280E n°35 de la MMFL se faufila dans les parages vers 10H30, après une approche préliminaire nocturne en utilisant les cheminements les plus discrets possibles. L'adjudant Jean-Yves Prat témoigne : « En 1980, les régiments d'hélicoptères et plus particulièrement ceux mettant en oeuvre des Mi-24 montaient en puissance. Weimar-Nohra était un terrain important et les nouveaux "Hind-D" y avaient fait leur apparition (2). D'où, bien évidemment, notre grand intérêt pour les activités de cette base et son matériel. Le 11 janvier 1980, nous étions planqués, en attente à l'ouest de l'aérodrome. Notre équipage était composé du lieutenant Kerdranvat, aujourd'hui décédé, de moi-même et d'un troisième collègue dont j'ai malheureusement oublié le nom. Tout se passait bien dans le calme - certainement trop calme. »

Blocage Un blocage en bonne et due forme. Le VGL était encadré par l'UAZ-469 du Major derrière et par une GAZ-69 devant. © BStU.

The French Mercedes blocked between the Major's UAZ-469 at the rear and a GAZ-69 in front. © BStU.
Blocage Un membre d'équipage de la MMFL en grande discussion avec le représentant de la Komendatoura . On peut imaginer le dialogue : "Vous voyez bien, que nous n'étions pas dans une zone interdite." - "A d'autres, camarade !" © BStU.

A FMLM crew member discussing with the Komendatura representative. One can imagine the conversation: "You see, we were not in a restricted area." - "Give me a break, comrade!" © BStU.
Trop calme en effet, puisque le véhicule des missionnaires fut repéré par des agents de la Stasi vers 11 heures. L'information fut aussitôt relayée auprès des responsables soviétiques à Nohra et un groupe de militaires se rendit à l'emplacement où se trouvait le véhicule de surveillance de la Stasi pour se rendre compte de la situation. Elle était claire : des espions ! Le Major soviétique en charge organisa rapidement une opération visant à bloquer l'équipage de la mission. « On s'est fait débusquer par un commando composé de plusieurs véhicules, GAZ, ZiL et une UAZ-469 avec un Major à bord. L'UAZ est venue sur nous et nous avons tout fait pour fuir... comme d'habitude. Le Major a sauté de son véhicule et est venu s'accrocher à l'arrière de notre VGL. Mais cela, nous ne l'avions pas vu : j'étais au volant et c'est seulement lorsque j'ai regardé dans le rétroviseur que j'ai vu le Popov accroché. On s'est tout de suite arrêté pour éviter un incident grave (3).

Blocage Le Major intrépide serre la main d'un Français. Tout est bien qui finit bien. © BStU.

The intrepid Major shakes hands with a French. All's well that ends well. © BStU.
Blocage En attendant le représentant de la Komendatoura... © BStU.

Waiting for the Komendatura representative... © BStU.
Je confirme qu'il était accroché à l'arrière, contrairement à ce que stipule le rapport romancé de la Stasi qui précise que le Major s'est mis en travers du chemin de la VGL pour être ensuite entraîné sur le capot avant de cette dernière. » C'est sur un chemin de terre entre les villages d'Ulla et de Hopfgarten que la mission fut finalement bloquée. Le chef de la Komendatoura arriva sur place à 13 heures. « En attendant son arrivée, nous avons tenté de détendre l'atmosphère en proposant des cigarettes et des canettes de bière aux militaires soviétiques présents sur place, ce qui fût suivi d'un certain succès. Le commandant nous reprocha de nous trouver dans une zone interdite, ce qui n'était pas le cas, mais nous étions évidemment derrière pancartes anti-missions (4). Après refus de signer l'akt par le chef d'équipage (5), nous fûmes raccompagnés hors zone, vers 13H45. Le Major nous conduisit alors vers un parking près du mémorial de Buchenwald au nord du terrain. C'est là que je récupérai sa casquette en échange de mon calot. Une casquette que je garde précieusement ! » Le rapport de la Stasi mentionne que les Français et le Major se sont retrouvés ensuite dans un restaurant proche pour boire une bière ensemble. JY Prat conclut : « Une chose est certaine, nous avions frisé la catastrophe, sans le savoir. Le Major nous a avoué je crois, avoir été un peu fou de s'accrocher au véhicule. »

PRA map Le terrain de Nohra (au niveau de la pointe de la flèche) se trouvait juste à l'extérieur de la zone interdite permanente qui englobait Weimar à l'est.

Nohra airfield (just at the tip of the arrow) was located right outside the permanently restricted area that encompassed Weimar to the east.

notes

(1) Le terme "blocage" était utilisé par les Français pour qualifier la neutralisation d'un véhicule de la MMFL par les Soviétiques. De fait, leur véhicule se trouvait alors dans l'impossibilité de s'échapper, d'où le terme "blocage".
(2) Le 336ème Régiment autonome d'hélicoptères de combat (OBVP) a été formé le 13 octobre 1978 à Berdyansk, sur base d'éléments de feu le 163ème Régiment d'aviation d'entraînement (UAP) de la Haute école de navigation d'aviation militaire (VVAUCh). Le 336.OBVP fut transféré à Nohra entre le 22 et le 30 mai 1979. En 1980, le terrain de Nohra abritait les unités suivantes :
- 336.OBVP (Mi-8 / Mi-24)
- 298.OVE BU (Mi-2 / Mi-8 / Mi-22)
- Autre escadron autonome d'hélicoptères ? (Mi-2 / Mi-8)
(3) Nous avions en mémoire la détention d'un équipage français durant plusieurs jours et des tentatives de récupération politique de la RDA consécutives à la mort d'un sous-officier (réel ou fictif) de la NVA après un accident de la route avec un de nos véhicules.
(4) Les pancartes anti-missions étaient des panneaux libellés en Anglais, Français, Russe et Allemand qui précisaient que le passage des "Missions militaires de liaison étrangères" était interdit. Elles étaient placées par les Soviétiques et surtout par les Allemands à des emplacements qui ne correspondaient pas forcément aux zones interdites permanentes (ZIP) ou temporaires (ZIT). Ces pancartes n'étaient pas reconnues par les Missions alliées. Seules les ZIT et les ZIP étaient reconnues comme interdites. Près de 10.000 de ces pancartes avaient été "plantées" en 1980 et leur nombre atteignait environ 30.000 lors de la chute du Mur. Environ une centaine d'entre elles étaient détruites par les trois Missions alliées chaque année.
(5) L'akt était un procès verbal tentant de faire reconnaître à l'équipage incriminé une violation des droits dévolus aux missions. Il était pour les équipages hors de question de signer un tel acte. La plupart du temps ces derniers étaient relâchés au bout de quelques heures.


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