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Bill Burhans a servi comme officier de renseignement au sein de l'Equipe Air (Air Team) de la USMLM de Juillet 1971 à Juin 1975. Il y est retourné en 1979 pour commander le Détachement n°16 du 7113ème Escadron d'activités spéciales (soit l'Equipe Air), partant à regret au début du printemps 1980, après un désagréable incident commandité par les Soviétiques en Décembre 1979. Il décrit pour nous une facette de la rotation des troupes d'appelés en 1972 qui se déroula (du moins croyais-t-on à l'époque) à bord d'appareils de l'"Aeroflot".

Un train de conscrits dans les environs de Berlin-Est en 1984. © H.Black.

A boxcar loaded with conscripts near East-Berlin in 1984. © H.Black. C'est entre un tiers et un quart du personnel du GFSA qui changeait deux fois par an, au printemps et à l'automne. Il s'agissait d'une rotation de troupes concernant les appelés, certains rentrant au pays tandis que d'autres venaient prendre leur place. Jusqu'au début des années soixante-dix, ces troupes étaient transportées par train, aussi bien dans le sens aller que dans le sens retour. De tels trains comptaient habituellement une quarantaine de wagons; il y avait une locomotive à vapeur, un wagon de charbon, 32 à 34 wagons pour le personnel et quelques wagons pour les bagages et le ravitaillement. Les wagons destinés au personnel étaient de vieux wagons allemands "M-wagens" (Menschwagen - voiture pour personnes) équipés de deux grandes couchettes, d'un espace avec un chauffage au charbon et d'une chaise percée. Il s'agissait de moyens de transport pour le moins rudimentaires. Les Missions militaires de liaison alliées montaient une opération spéciale deux fois par an, afin de surveiller les principales voies ferrées est-allemandes. Les équipes de reconnaissance passaient alors plusieurs jours dans un poste d'observation bien choisi pour observer les trains assurant la rotation des troupes. Ces équipes étaient remplacées selon un planning prédéfini qui permettait d'assurer une couverture 24 heures sur 24. Ce n'était pas un travail très intéressant, mais les instances supérieures le demandaient car ces observations permettaient d'estimer quel pourcentage des forces était impliqué dans ces rotations. Au début des années soixante-dix, le modus operandi des rotations changea. Des avions de ligne civils portant les marquages de l'Aeroflot furent en effet utilisés. Un programme de renseignement très important fourni les informations relatives à ce changement de procédures, mais le niveau de distribution de ces informations fut nécessairement limité.

Des soldats heureux à l'issue de leur seconde année de service au sein du 787.IAP. Ils attendent d'embarquer à bord d'un Tu-154 à destination de la Mère patrie (Finow, 1989). © V.Glouchkov.

These happy soldiers have completed their two years service duty within the 787.IAP. They are waiting to embark aboard a Tu-154 bound for the Motherland (Finow, 1989). © V.Glushkov. L'Equipe Air de la USMLM a pu prouver l'exactitude de ces observations et rapporter ces fait au niveau "confidentiel," assurant ainsi une distribution nettement plus étendue de cette information. L'aérodrome de Grossenhain, base d'attache du 497ème Régiment d'aviation de chasse-bombardement mettant en oeuvre des avions d'attaque Su-7 "Fitter-A," était l'un des aérodromes soviétiques impliqués dans la rotation des troupes. Nick Netter et moi étions assignés à la surveillance de cet aérodrome le 7 novembre 1972, une froide journée brumeuse de fin d'automne. La visibilité n'était pas très bonne, mais nous avons utilisé ce mauvais temps à notre avantage. Nous sommes en effet parvenus à notre poste d'observation sans être repérés et nous étions confiants dans le fait que personne n'était conscient de notre présence. C'était très tôt le matin, vers sept heures et il n'y avait pas ou peu de trafic, ni aucune autre activité. Et puis, c'était le jour du 55ème anniversaire de la Révolution russe, après tout ! Nous nous étions frayés un chemin jusqu'à un point d'observation situé au nord-est de l'aérodrome. Nous étions dans un taillis situé très près de la clôture, ce qui offrait une vue sans obstacles des zones de parking du terrain.

Nick positionna notre véhicule parfaitement à la clôture, ce qui me permis de photographier une longue lignée de soldats en uniforme montant les marches pour embarquer à bord d'un Il-18 civil aux couleurs de l'Aeroflot. C'était la confirmation dont nous avions besoin, à condition que les photos soient utilisables. Les conditions étaient très médiocres : lumière faible et brouillard au sol. Les techniciens du laboratoire photo avaient du pain sur la planche pour les développer, car j'avais exposé un film Kodak Tri-X de 400 ASA qu'il fallut pousser à 6400 ASA. Heureusement, nous avions la bonne personne pour mener à bien cette tâche. Le Sergent Ken Rocheleau était un membre clé du labo photo de la USMLM. Il avait terminé récemment un tour de service à l'Ambassade US de Moscou. Ken avait développé des techniques spéciales pour traiter les films critiques et les résultats obtenus étaient toujours spectaculaires. Dans ce cas-ci, il avait pré-trempé le film avant d'entamer son traitement en respectant strictement des procédures concernant le temps d'exposition et la température, qu'il avait déterminées et perfectionnées lui-même. Même si les conditions dans lesquelles j'avais exposé le film de Grossenhain étaient très mauvaises, Ken sortis des photos qui permirent de vérifier sans ambiguité ce que Nick Netter et moi avions observé visuellement. Nous avions notre confirmation. Le rapport annuel de la USMLM pour 1972 le précisait d'ailleurs : "Cette observation a permis de lever presque totalement tout doute à propos de l'implication des appareils de l'Aeroflot dans le programme de rotation des troupes du GFSA."
Bill Burhans

Il ne faut jamais se fier aux apparences

Pas moins de cinq Tu-154 de l'Aeroflot en escale à Parchim au cours des années quatre-vingt. © A.Vinogradov.

No less than five Tu-154 from the Aeroflot can be counted on this picture taken at Parchim during the 1980s. © A.Vinogradov. Si il est certain que, dans le cadre de la rotation des troupes, des avions de ligne civils ont été appelés en renfort afin d'assurer les liaisons entre la RDA et différents aéroports civils disséminés dans toute l'Union Soviétique, il serait bon de mettre les points sur les i afin de dissiper une fable qui a la vie dure : ceux d'entre nous qui ont vécu la guerre froide connaissent en effet la chanson: "Les avions de l'Aeroflot volaient pour le compte de l'armée, et puis, de toute façon, ils étaient tous militaires..."
Ce raccourci irréfléchi est toujours vivace de nos jours et pourtant est basé sur des observations factuelles erronées (l'histoire relatée ci-dessus étant un bon exemple) ou des jugements péremptoires sur la société soviétique. En réalité et exception faite d'opérations de grande ampleur comme la rotation des troupes de conscrits, les avions décorés aux couleurs de l'"Aeroflot" exécutant des missions militaires étaient mis en ligne par des unités militaires stationnées sur des aérodromes militaires, et ils étaient par conséquent mis en oeuvre par des équipages militaires ! Bon nombre d'avions de ligne aperçus visitant les aérodromes soviétiques de RDA étaient stationnés sur l'aérodrome militaire de Tchkalovskiy, situé à l'ENE de Moscou. (1)

L'une des unités basées sur cette plateforme était la 10ème Brigade d'aviation autonome à destination spéciale décorée de l'Ordre du Drapeau rouge (10-ya Otdelnaya Krasnoznamennaya Aviatsionnaya Brigada Osobogo Naznatcheniya - 10.OABON) mise sur pied le premier juin 1960. Les avions de ligne militaires qui assuraient des liaisons avec les "pays frères" étaient attachés à cette unité (2) - en 1978, la brigade comprenait huit escadrons divers. Cette dernière fut absorbée par la 8ème Division d'aviation à destination spéciale décorée de l'Ordre du Drapeau rouge le 31 décembre 1981 (8-ya Aviatsionnaya Krasnoznamennaya Diviziya Osobogo Naznatcheniya - 8.ADON). Le mode de fonctionnement de cette unité a changé après la chute de l'URSS : les avions dont il est question dans cet article, incorporés au Détachement aérien n°223 (223-i Letniy Otryad), effectuent désormais des vols à la fois de nature militaire et civile, mais nous sortons ici du cadre de ce site.
Lors de la guerre froide, les avions de ligne militaires portaient le schéma standard de l'Aeroflot. Certains avions cargo militaires comme les An-22 arboraient pratiquement tous les marquages de l'Aeroflot (ce n'était cependant pas le cas au début de leur carrière). De même, vous aurez du mal à trouver un Il-76 de la VTA avec une étoile rouge sur la queue, bien qu'il en existe quelques-un. D'autres, comme les An-12 (3), pouvaient être camouflés, mais couverts avec les logos de l'Aeroflot ainsi qu'avec une immatriculation civile. Revêtir des appareils militaires d'une livrée civile leur permettait de se rendre à l'étranger plus facilement. Lors de la Guerre des Six Jours en 1967, un pont aérien fut mis en place pour soutenir les Etats arabes. Les avions cargo qui y participèrent le firent ainsi sous livrées civiles avec un drapeau rouge sur la dérive plutôt qu'une étoile rouge. Cette pratique fut plus tard également adoptée mais à beaucoup plus faible échelle, par les pays communistes.
Aussi, les postes de commandement volants avaient gardé leurs marquages "Aeroflot" (lire à ce sujet le paragraphe intitulé "PC volants" dans la troisième partie du chapitre "Le Transport & Sperenberg" > Lien).
La décoration ou les marquages civils des appareils militaires étaient à considérer comme une forme de camouflage ou une opération de déception. Et cela a marché parfaitement à l'ouest ! Bien entendu, il y avait également des avions cargo porteurs d'un schéma de décoration purement militaire. Toutefois, ces machines avaient souvent été revêtues des marquages "Aeroflot" auparavant. Sans aucun doute, cette opération de maskirovka (déguisement ou déception) fut un grand succès !

Des An-12 camouflés mais déguisés avec des marquages civils, attendent des soldats du 899ème Régiment autonome de parachutistes d'assaut basé à Rosenkrug, au début des années 80. © DR.

Camouflaged An-12s diguised in civilian markings awaiting soldiers of the 899th Separate Assault Parachute Regiment from Rosenkrug, during the early 1980s. © DR.

De nos jours, les titres "Aeroflot" ont disparu, mais le schéma de base blanc, gris et bleu est resté. Lors de la traditionnelle Parade de la Victoire qui s'est tenue le 9 mai 2014 à Moscou, nous avons pu constater que l'An-124 et les trois Il-76MD qui participèrent au défilé aérien au-dessus de la Place Rouge, avaient hâtivement reçu une étoile rouge à la place du drapeau russe. Le reste de la flotte de la VTA semble dorénavant suivre lentement cette nouvelle tendance.
Hugo Mambour

VTA PHOTO PAGE

notes

(1) Il n'y a pas de règle sans exception. Ainsi, certains appareils en service avec l'Aeroflot ont été transférés aux VVS (lire à ce sujet les légendes des
     deux photos de Tu-114 en fin d'article). Ces avions-là ont donc connu une carrière civile, puis militaire. Celà semble être le cas des appareils plus
     anciens et/ou ayant été incorporés en petit nombre comme les Tu-114, tandis que la majorité des avions de ligne ou de transport militaires
     l'ont toujours été.
(2) Ce sont ces mêmes appareils qui assuraient les liaisons régulières avec l'ancienne Allemagne de l'Est, notamment à Sperenberg, après la chute du
     Mur de Berlin.
(3) "La plupart des An-12 militaires recevaient une décoration presque civile en usine, afin de simuler leur appartenance à l'Aeroflot."
     (D'après Aviatsiya i Kosmonavtika, juillet 2010).
     L'examen de photos et de videos prises au début des années soixante montre des An-12 couleur alu avec des marquages militaires. De même,
     les premiers An-22 étaient peints aux couleurs militaires. Il semble donc que le camouflage de type "Aeroflot" fut introduit après le milieu des
     années soixante et plus précisément sans doute après le pont aérien à destination des pays arabes lors de la Guerre des Six Jours, à l'occasion
     duquel les appareils impliqués reçurent des marquages civils.

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