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USMLM USMLM Bill Burhans a servi comme officier de renseignement avec l'Equipe Air (Air Team) de la USMLM de Juillet 1971 à Juin 1975. Il est revenu en 1979 pour commander le Détachement n°16 du 7113ème Escadron d'activités spéciales (soit l'Equipe Air), partant à regret au début du printemps 1980, après un désagréable incident commandité par les Soviétiques en Décembre 1979. Il se souvient ici d'une chasse aux MiG-21SMT à Wittstock qui se termina prématurément dans un champ de pommes de terre.

Je ne me souviens plus maintenant pourquoi le sous-officier de reconnaissance de l'Equipe Air n'était pas disponible pour cette mission, toujours est-il que c'est un chauffeur de l'armée qui me fut assigné. Et pour rendre les choses encore plus difficiles, ce dernier était également le Padré de notre pied à terre à Potsdam : l'idée était peut-être de le familiariser avec ce que le personnel rencontrait sur le terrain. Quoi qu'il en soit, le très inexpérimenté sergent-major Johann Schniedermeier était mon chauffeur pour cette mission dans la Zone A (dans la partie nord de la RDA). Nous avons quitté Potsdam dans l'obscurité et nous nous sommes dirigés vers le nord sur la route n°2. Notre première tâche consistait à "faire l'inventaire" du site radar de Wittstock-Biesen (1), après quoi nous devions trouver un point d'observation préliminaire en espérant que les MiG-21 FISHBED K du 33ème Régiment d'aviation de chasse soient engagés dans un programme de vols. Nous nous sommes dirigés vers Herzberg, où nous avons bifurqué au nord en direction de Wittstock. Quand nous avons atteint Lelichow, nous avons suivi des chemins de campagne en direction de Königsberg, traversé le village de Papenbruch, jusqu'à finalement atteindre Jabel.

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Il était très tôt en cette matinée du 22 novembre 1972. Je n'étais pas préoccupé quand nous avons traversé ce petit village situé au sud-ouest du site radar. J'ai pensé avoir vu bouger les rideaux derrière une fenêtre de l'une des maisons alors que nous passions à proximité, mais je n'y ai pas prêté attention. Il faisait toujours noir et il n'y avait pas d'activité discernable, aussi je décidai de nous arrêter à l'abri d'un grand arbre le long du chemin de campagne qui courait entre le village de Jabel et la route en dur reliant Biesen et Wittstock. Je précise que l'autoroute que l'on peut voir sur la gauche de l'image ci-dessus, n'avait pas encore été construite à l'époque. Je ne comptais pas rester longtemps dans la zone. Vu la légère bruine et le brouillard, je pouvais à peine distinguer le site radar situé sur une colline à environ deux kilomètres. Aussi, nous avons pris une tasse de café en attendant qu'une lumière suffisante permette de vérifier les équipements du site radar. J'estime que nous étions là depuis trente minutes. Tout était très calme autour de nous, le temps très mauvais et, bien que les nuages étaient très bas et le vent fort, il n'y avait pas encore de pluie régulière. Les conditions pour voler n'étant pas des meilleures, je pensai qu'il vaudrait probablement mieux laisser tomber le point d'observation préliminaire de l'aérodrome et nous occuper des objectifs de remplacement figurant sur notre liste.

P-18 Vue de l'intérieur de la cabine des opérateurs du radar P-18 "Spoon Rest D" du site de contrôle de la chasse à Wittstock-Biesen. © MiG-29 über Deutschland.

The operators' cabin of the P-18 "Spoon Rest D" radar of the fighter control unit from Wittstock-Biesen. © MiG-29 über Deutschland.
P-37 Le site radar de Wittstock-Biesen en 1990. On peut voir en arrière-plan un radar P-37 "Barlock-B" de recherche et d'acquisition. © MiG-29 über Deutschland.

The Wittstock-Biesen radar site in 1990. One can see in the background a P-37 "Barlock-B" search and acquisition radar. © MiG-29 über Deutschland.
Il était temps de finalement se remettre en mouvement et de nous engager sur la route en dur qui longeait le site radar. Nous avons quitté le chemin de campagne pour aller vers Biesen. Lorsque nous furent à environ 300 mètres de Biesen, j'ai remarqué un camion bâché de type ZiL-130 portant sur ses portes le badge identifiant le GFSA (2) et qui était conduit par un soldat avec des épaulettes bleues qui trahissaient son appartenance aux VVS. Ca ne sentait pas bon, aussi je dis à Johann de s'arrêter et de reculer vers Jabel derrière nous. Quand il regarda par-dessus son épaule pour entamer sa marche arrière, Johann vit un autre véhicule militaire. Pas bon ! Nous étions en mauvaise posture, car il y avait une clôture avec un seul fil barbelé qui entourait les champs de pommes de terre, le long d'un léger fossé de chaque côté de la route. A ce stade, il semblait opportun de stopper la marche arrière et de remettre le cap vers Biesen, foncer et quitter la zone. Alors que nous approchions de la ville, le camion bâché se mit au milieu du chemin de campagne devant nous. Schniedermeier me demanda ce qu'il devait faire. Je lui dis de continuer tout droit en essayant de faire croire au chauffeur soviétique que nous foncions dessus pour ensuite bifurquer vers le champ de pommes de terre à la plus grande vitesse possible afin de contourner le camion (cette situation était nouvelle pour moi : il n'était habituellement pas nécessaire de dire à un sous-officier de reconnaissance de l'Equipe Air ce qu'il devait faire; il réagissait instinctivement à chaque situation en développement). Johann n'accomplit qu'une partie de ses instructions. Il roula vers le camion soviétique et tourna à gauche dans le champ de pommes de terre. Cependant, il le fit avant d'avoir atteint une vitesse suffisante. Ainsi, lorsque nous sommes entrés dans le champ, nous nous sommes immédiatement embourbés. Il ne parvint pas à nous sortir de là et nous finirent ainsi enterrés dans les pommes de terre.

GSVG L'emblème symbolisant le GFSA qui apparut sur les véhicules à roue à partir de 1970.

The badge relative to the GSFG that appearted on the wheeled vehicles from 1970 on.
ZGV Le Groupe des Forces Ouest dont les initiales en Russe étaient "ZGV" succéda au Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne le 1er juin 1989. Mais c'est la chute de l'URSS qui fut le catalyseur amenant à la création d'un nouveau badge orné du drapeau russe. Ce dernier, désormais dépourvu de l'étoile rouge et de la mention "CA" pour Sovietskaya Armiya remplaça l'ancien emblème à partir de la mi-1992.

The Western Group of Forces whose initials in Russian were "ZGV", succeeded to the Group of Soviet Forces in Germany on 1st June 1989. But it is the collapse of the USSR that led to the creation of a new badge decorated with the Russian flag. The latter, now devoid of the red star and the "CA" mention for Sovietskaya Armiya replaced the old logo from mid-1992 on.
Une demi-douzaine d'hommes de troupe en armes appartenant aux Forces Aériennes Militaires (VVS) sauta immédiatement hors du camion pour encercler notre véhicule. Un capitaine des VVS frappa à la vitre pour demander nos documents. J'essayai de l'ignorer, mais il insistait et je lui donnai mon laissez-passer. Alors qu'il l'examinait, je commençai à penser que la situation n'était pas trop grave. Cependant, les choses commencèrent à se corser lorsqu'il demanda également le laissez-passer de Schniedermeier. Il examina le document, et se tourna ensuite vers moi pour demander celui de la voiture. A ce stade, je savais que nous étions coincés pour un bout de temps ! Je n'avais moi-même pas énormément d'expérience et je dois admettre que je ne me sentais pas du tout à l'aise. J'avais été briefé sur ce qui se passait durant une détention, mais cette information n'était valable que pour le cas particulier qui avait été décrit. Chaque situation différait parce que chaque zone géographique était différente. Encore plus important, les "joueurs" soviétiques différaient et cela introduisait des jokers dans le jeu. Je suis finalement sortis du véhicule pour essayer de parler avec le jeune officier soviétique. Il s'avéra qu'il était aussi nerveux et incertain que je l'étais moi-même. Il ne voulait pas me parler, si ce n'est pour me dire que quelqu'un de la komendatura était en route pour traiter le problème. Finalement, une jeep soviétique arriva avec à son bord un officier de l'Armée soviétique très corpulent au visage rouge, un lieutenant-colonel portant les badges de l'infanterie motorisée. Il se présenta sous le nom de Bazanov, le kommendant de Wittstock. Il était de très bonne humeur et il me demanda en blaguant pourquoi nous avions décidé d'essayer de labourer les champs de pommes de terre du peuple ! Il affirma que nous étions en très mauvaise posture car nous avions endommagé les récoltes, abattu une clôture, nous étions dans une zone interdite, nous avions observé et photographié de l'équipement militaire etc. Bien entendu, je niai tout en bloc. Il précisa que nous allions devoir le suivre jusqu'à son bureau dans la ville de Wittstock. Il ajouta qu'il serait heureux d'ordonner aux jeunes militaires présents de pousser notre véhicule en dehors du champ de pommes de terre.

MiG-21SMT Un MiG-21SMT "Fishbed-K" du second escadron du 33.IAP à Wittstock en 1973. Les régiments basés à Altenburg, Merseburg et Zerbst volaient également sur MiG-21SMT à cette époque. © Y.Fingaret.

A MiG-21SMT "Fishbed-K" of the 2.AE from the 33.IAP at Wittstock in 1973. Regiments based at Altenburg, Merseburg and Zerbst were also flying MiG-21SMT at that time. © Y.Fingaret.

La colonne se forma - le lieutenant-colonel Bazanov dans sa jeep, notre véhicule transportant les intrus et le ZiL-130 - pour ensuite tourner à droite sur la route en dur allant de Biesen à Wittstock et rejoindre la ville. Nous avons remarqué en cours de route que le moteur commençait à chauffer. Apparemment, le radiateur avait été percé quand nous sommes entrés dans le champ.

P-18 Deux militaires prennent la pause à côté de leur VAZ-2101 "Jigouli" aux couleurs de la Voennaya Komendatoura, parquée devant le bâtiment du commandant militaire de Wittstock. © G.Anikine.

This VAZ-2101 "Zhiguli" of the Voennaya Komendatura was parked in front of the military commander's office from Wittstock. © G.Anikin.
Une fois arrivés à la komendatura, le sergent-major Schniedermeier resta enfermé dans la voiture et j'accompagnai Bazanov et le capitaine des VVS dans le bâtiment. Je suis resté avec le capitaine dans une petite pièce contenant une table et plusieurs chaises. Bazanov se rendit dans son bureau tout proche afin de donner quelques coups de téléphone. Je pouvais l'entendre s'époumoner pour expliquer à quelqu'un dans un QG quelconque ce qui se passait. Il était environ onze heures et la journée allait être longue et ennuyeuse. J'ai finalement eu l'occasion de parler au jeune capitaine qui se révéla être une personne agréable. Il se plaignit en premier lieu : il dit qu'il était en route avec ses troupes vers Wittstock afin d'y prendre les rations pour son unité. Mais lui et ses soldats ainsi que leur véhicule avaient été réquisitionnés pour l'opération de détention. Les rations n'arriveraient pas à temps au site radar pour que le dîner puisse être préparé et de toute évidence, il devait maintenant attendre car il était impliqué dans les paperasses relatives à la détention. Il posa de nombreuses questions sur la vie en Amérique, la vie dans l'armée US, les promotions, les barèmes de paiement etc. Il affirma également que comme la météo était si mauvaise, les avions ne voleraient de toute façon pas, aussi nous ne manquerions pas grand-chose. Cette conversation fit beaucoup pour rendre l'attente de Bazanov supportable. Celui-ci m'appela finalement dans son bureau. Il avait préparé un akt, ou une déclaration, qui énumérait tous les coups tordus dont cette équipe de reconnaissance de la USMLM s'était rendue coupable dans sa zone de responsabilité. Il me demanda poliment de signer ce document, ce que je refusai naturellement. Il ajouta à la main une annotation sur ce document dactylographié : "Le capitaine Burhans refuse de signer l'akt." Il dit alors qu'il allait appeler mon chauffeur pour qu'il signe le document, mais je lui rétorquai que le sergent Schniedermeier refuserait également de signer. Il nota consciencieusement : "Le sergent Schniedermeier refuse de signer l'akt."

General Haig Le Sergent Major Bill Corbett remet une pancarte anti-missions au Général Alexander Haig, Commandant suprême allié en Europe - SACEUR (1974-79), dans les locaux de la Mission à Berlin-Ouest. © USMLM.

Sergeant Major Bill Corbett presenting General Alexander Haig, Supreme Allied Commander Europe - SACEUR (1974-79), a mission restriction sign at the Mission House in West-Berlin. © USMLM.
J'ai collecté quelques informations intéressantes pendant les quelques minutes que j'ai passé dans le bureau de Bazanov. Il y avait sur le mur derrière son bureau une carte représentant la zone de responsabilité de la komendatura de Wittstock. Les Zones Interdites Permanentes (ZIP) étaient clairement délimitées en rose, mais je notai qu'il y avait une bordure rouge qui entourait ces dernières. Cette bordure étendait ainsi la superficie de chaque ZIP d'environ trois kilomètres et représentait de toute évidence une zone tampon. J'imagine que c'est là qu'étaient plantées les fameuses pancartes anti-missions. Il était clair que les militaires soviétiques considéraient ces zones tampon comme faisant partie intégrante des ZIP et c'est à l'intérieur de l'une de celles-ci que nous avions été détenus. Cependant, aucune des trois Missions militaires de liaison alliées ne reconnaissait la validité de ces pancartes et elles les ignoraient. En 1971 et 1972, le lieutenant-colonel Bob Von Dach, officier des opérations "terre" de la USMLM, organisa même une campagne pour arracher ces pancartes dont les emplacements étaient soigneusement repérés sur une carte spéciale. Chaque équipe de reconnaissance qui partait sur le terrain durant cette campagne, devait ramener des pancartes spécifiques désignées par leurs coordonnées géographiques. Malheur à ceux qui osaient retourner à Berlin sans leur moisson de pancartes ! A ce stade, je pensais que la détention se terminait et que nous étions sur le point d'être libérés. Erreur ! J'avais négligé de considérer qu'il y avait toujours de la lumière dehors. Les soviétiques décidèrent que nous devions rester en détention jusqu'à l'obscurité afin de nous interdire toute opportunité d'observer et de photographier. Nous fûmes finalement relâchés en fin d'après-midi, après que le lieutenant-colonel Bazanov se fut enquit si je serais capable de trouver mon chemin dans le noir pour rentrer à Potsdam ! Nous sommes repartis cahin-caha sans autre contrariété que de devoir nous arrêter régulièrement en cours de route afin de remplir le radiateur qui fuyait...

notes

(1) L'unité stationnée sur ce site était le 2196ème Groupe radar (rlg) subordonné au 314ème Bataillon autonome de contrôle automatique (obAU). Il s'agissait de l'unité de contrôle de chasse du 33.IAP. Le site était situé à 91,8 mètres de hauteur. En 1990, ses équipements comprenaient entre autres un radar de recherche et d'acquisition P-37, un radar de détection avancée P-18 et un radar altimétrique PRV-13. Des systèmes de contrôle automatique mobiles ou déployables auraient été également installés à l'intérieur de deux abris pour avions de type AU-11 sur la base de Wittstock elle-même.
(2) Voici ce que disait en page 15 le rapport annuel de la USMLM pour 1970 :
Nouveaux marquages nationaux
Le GFSA a adopté de nouveaux marquages pour les véhicules au cours des premiers mois de l'année. La cocarde entièrement blanche appliquée auparavant à l'arrière des véhicules a été remplacée par une cocarde de taille identique dont la moitié supérieure est blanche et la moitié inférieure rouge. Une petire étoile rouge est centrée dans la partie supérieure de la cocarde et les lettres cyrilliques "CA" (Armée Soviétique) sont peintes en blanc dans la partie inférieure. Le symbole était également peint sur les portes gauche et droite des berlines et des véhicules équipés d'une cabine. Une petite étoile rouge était ajoutée sur le fond blanc appliqué aux extrémités des pare-chocs des véhicules à roue. Une étoile blanche était ajoutée de chaque côté de la tourelle des véhicules blindés ainsi équipés et sur les flancs des autres véhicules blindés.


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