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Evgeni Grounine a sans doute estimé qu'il avait de la chance lorsqu'il a appris son affectation sur une base aérienne de RDA dans le cadre de son service militaire. Il était à n'en pas douter attiré par les choses de l'air, puisque auparavant, il avait déjà construit un cerf-volant suffisamment grand pour soulever une personne.

Optimist MiG-21 Agé d'une vingtaine d'années, il allait mettre à profit son séjour de trois ans (1967-1969) à Altes Lager où était stationné le 833ème Régiment d'aviation de chasse (IAP) équipé de MiG-21PF "Fishbed-D" et, jusque 1968, le 116ème Régiment d'aviation de chasse-bombardement de la garde (GvIBAP) - ensuite transféré à Brand avec ses MiG-17F "Fresco-C" - pour réaliser ce qui mérite d'être qualifié d'exploit. Ainsi, Evgeni Grounine et ses complices Svyatoslav Maklakov et Vladimir Kourilenko ont construit en toute clandestinité un planeur pendant leur période militaire, travaillant en dehors des heures de service ou après le couvre-feu, ne dormant souvent que 4 à 5 heures par nuit. La conception du planeur "Optimiste" tel qu'il fut baptisé à juste titre, la réalisation des plans ainsi que la collecte des matériaux nécessaires disponibles sur place (stockés dans les mansardes), occupèrent l'essentiel de 1968. C'est le hangar de maintenance des MiG-21PF qui abrita l'oeuvre des constructeurs amateurs. Ce dernier constituait en fait les locaux principaux de la 125.ARZ (littéralement "usine de réparation d'avions"). Les "Fishbed-D" et d'autres sous-versions du MiG-21 y subissaient une profonde maintenance périodique à l'issue de laquelle ils retrouvaient un potentiel de 300 heures de vol. Le travail y était intense jour et nuit. La plupart des tâches étaient accomplies par des conscrits qualifiés, aidés et dirigés par environ 200 militaires de carrière. Il est assez extraordinaire que la connaissance de la réalisation de ce planeur ait pu rester cantonnée à des cercles restreints. Si les officiers supérieurs ou les services de contre-espionnage avaient eu vent de ce projet avant qu'il ne sorte du hangar pour ses premiers vols en 1969, il n'y a nul doute qu'ils auraient mis un terme à cette belle aventure.

Optimist Optimist Pour construire ce planeur, il aura fallu que les concepteurs tiennent compte du fait que seuls les matériaux disponibles sur la base pouvaient être utilisés. Ainsi, l'aile construite entièrement en bois était entoilée avec des draps de lit. En l'absence de contreplaqué de 1mm d'épaisseur, le bord d'attaque de celle-ci n'était pas coffré, ce qui donnait au planeur l'allure d'une machine datant des années vingt. L'aile bilongerons était renforcée par des croisillons et soutenue par deux mâts et un câble fixés de part et d'autre du fuselage. Les différents collages reposaient sur de la résine epoxy K-153 et de la colle à bois. La structure du fuselage était un treillis de poutres en duralumin ayant une section de 25x25mm. Les profilés de duralumin étaient abîmés ou troués car ils avaient été prélevés sur la structure des hangars eux-mêmes. Le cockpit était quant à lui réalisé en placage d'acajou. Un patin composé de deux morceaux de contreplaqué de 12mm d'épaisseur protégeait le dessous du fueselage. De plus, il y avait une roue de 240x90mm amortie avec des ressorts en acier et une butée en caoutchouc et les saumons d'aile étaient protégés par de petites béquilles en alu. Deux paires de câbles ayant une section de 3,5mm tendus entre les ailes et les empennages soutenus par des mâts, empêchaient la torsion de la queue. Les commandes de la profondeur et des ailerons étaient rigides, tandis que celle du gouvernail de direction était assurée par des câbles aller-retour.

Optimist Optimist L'entoilage des ailes et des empennages était tendu grâce à trois couches de dope cellulosique "fait maison." Il s'agissait de flacons de savon de vaisselle en celluloide et de manches de brosses à dents dissous dans de l'acétone. La cellule entière a ensuite été recouverte de trois couches de la même peinture que celle utilisée pour les MiG-21, ainsi que d'une couche de vernis. Le projet a enfin abouti au bout de 11 mois de travail et le pot aux roses fut finalement découvert lorsque le planeur fut sorti du hangar pour ses premiers vols en octobre 1969. Svyatoslav Maklakov, qui pilotait des L-13 Blanik au Second aeroclub de Moscou avant de rejoindre l'armée, effectua une douzaine de vols depuis le taxiway situé entre les hangars. La mise en vol jusque 10 à 20 mètres de hauteur, se faisait par remorquage derrière la "Jeep" GAZ-69 du colonel Gousev qui commandait du VTch PP 42030A (soit l'ARZ.152) (1). L'enquête qui suivit la découverte de ce planeur révéla l'absence d'"intentions criminelles" (désertion vers Berlin-Ouest) et on en resta là. Les constructeurs amateurs avaient également projeté de construire un planeur motorisé par un moteur de 14cv provenant d'un sidecar allemand, mais cela leur fut, comme on s'en doute, interdit. Le planeur termina suspendu sous les charpentes du hangar et les contrevenants se retrouvèrent placés en tête de liste quand vint le temps de la démobilisation. Quant à Evgeni Grounine, il fabriqua en fin de compte un planeur motorisé.

Cet article est extrait d'un forum consacré aux constructeurs amateurs russes > Lien.
Avec tous mes remerciements à "browser1" pour les informations complémentaires.

Evgeni Petrovitch Grounine

A l'issue de son service militaire, Evgeni Grounine a repris ses études tout en poursuivant la construction de différents appareils. L'un d'eux était l'ESKA-1 (Bateau de Sauvetage Amphibie à Effet de sol) qui était un petit hydravion de formule "Lippisch" capable de se déplacer en effet de sol > Lien. Alors qu'il était encore étudiant à l'Institut d'ingénierie d'aviation civile de Moscou (MIIGA), il fut engagé par le bureau d'études Bartini en tant qu'ingénieur de seconde catégorie. Il y travailla pendant presque deux ans, avant de rejoindre l'équipe du constructeur Kamov. Pendant son séjour de deux ans chez ce dernier, il participa à l'élaboration du Ka-252 (futur Ka-29), ainsi qu'à celle du Ka-126. E. Grounine travailla ensuite durant six années chez "Energiya," prenant directement part au programme "Bourane." C'est lui qui proposa et dessina le système permettant de transporter la navette spatiale sur le dos d'un ancien bombardier Myasichtchev M-3. Il rejoignit Soukhoï en 1982 ou 1983. En 1985, il était devenu un concepteur principal dans la Section n°100, celle où étaient développés les projets prometteurs. C'est dans ce département que des appareils tels que le Su-26 ou le Su-27 virent le jour. La redéfinition du Su-26 en 1984-85 (Su-26M) était le résultat de la propre initiative de Grounine. Après le succès du Su-26, E. Grounine demanda à être affecté à d'autres projets et, pour quelque raison, son nom ne fut plus associé avec celui des acteurs ayant créé ce fameux appareil de voltige. En 1985, il dirigea notamment les travaux relatifs à l'"Avion d'attaque 90" (Chtourmovik 90) > Lien. Grounine fut licencié en 1992 et il créa plus tard ses propres bureaux d'études, dont Roks-Aero ou encore Aeroprogress. En 1994-95, il était ingénieur général chez "Krounitchev-Aviatekhnika." Il est maintenant ingénieur au bureau d'études privé TKiT à Moscou.

notes

(1) VTch PP (Voyskovaya Tchast Polevaya Potchta) = numéro de poste de campagne d'unité militaire.


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