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Le Sukhoï tombé du ciel

Su-7 crash site Newspapers Près de six ans après la défection de Yepatko à bord de son MiG-17, c'était au tour du camarade Yevgeni Lvoitch (1) d'aller voir si l'herbe était réellement plus verte chez les impérialistes occidentaux !
Le dimanche 27 mai 1973, un Su-7BM du 497.IBAP de Grossenhain s'écrasait dans un champ après que son pilote se soit éjecté près de Braunschweig en zone britannique. En réalité, le lieutenant Y. Lvoitch, né le 29 juin 1952, aurait été un officier technique, sans expérience du pilotage. Mais l'histoire n'est pas claire : était-il pilote avec une fonction particulière (comme il existait par exemple un chef navigateur au sein de chaque unité) ou personnel au sol comme le laissent entendre certains compte-rendus ? En outre, le récit de son évasion est sujet à caution car les articles de presse de l'époque qui, certes, ne sont pas parole d'évangile (2), ne concordent pas sur certains points. Quoi qu'il en soit, E. Lvoitch est parvenu a subtiliser le Su-7BM n°52 (c/n 5411) du régiment en ce dimanche du printemps 1973. Il aurait contourné un véhicule qui lui barrait la route, largué les réservoirs après le décollage et aurait volé en direction de la RFA train sorti ! On notera toutefois que sur les nombreuses photos illustrant cet article (lien en bas de page), on ne trouve nulle trace du train d'atterrissage si ce n'est la roulette de nez. N'était-il pas donc rentré ? D'autre part, on reconnait les empennages d'un réservoir supplémentaire sur une photographie. En outre, il apparaît sur ces photos que les canons étaient chargés et que un ou deux conteneurs lance-roquettes - chargés également - étaient montés.

Grossenhain Transfert Su-7 Il se trouve que la route la plus simple à suivre pour atteindre la frontière interallemande au départ de Grossenhain consistait à voler en ligne droite après avoir décollé depuis l'extrémité SE de la piste orientée SE-NO au cap 300. Le vol d'une durée d'environ 15 minutes s'est déroulé à basse altitude afin d'éviter une interception éventuelle, plusieurs aérodromes de chasse se trouvant à proximité de son parcours. Pas moins d'une trentaine d'intercepteurs auraient été lancés à ses trousses, vraisemblablement trop tard pour avoir une chance de le trouver. A 11H45, Lvoitch passait la frontière sans être détecté par les radars de l'OTAN et prenait de l'altitude en vue de s'éjecter. Il sautait à 11H47 pour atterrir dans un champ au sud de Klein Schöppenstedt à proximité d'un terrain d'entraînement militaire de la Bundeswehr désigné "Herzogberge" (3), à l'est de Braunschweig. La police et les pompiers sont arrivés rapidement sur les lieux alors que la carcasse du Su-7 finissait de se consumer avec le peu de carburant restant à bord. Les restes de l'avion étaient ensuite évacués pour être mis à l'abri dans la caserne "Hindenburg" à Braunschweig où experts, techniciens et services de renseignement alliés purent les examiner et les décortiquer à loisir.

Su-7BM AL-7F-1 Cependant, la presse remet en question une partie de cette version. Ainsi, selon le New York Times du 28 mai 1973 ou les journaux allemands, un porte parole du Gouvernement fédéral allemand affirmait que le pilote avait mis 88 minutes pour réaliser un trajet qui n'en demande normalement qu'une vingtaine. On notera qu'un Su-7BM équipé de réservoirs externes et armé d'une tonne de bombes pouvait tenir l'air jusqu'à 1H37. Der Spiegel précisait quant à lui qu'après avoir franchi la frontière vers l'ouest, Lvoitch avait d'abord pris un cap NE, laissant à penser qu'il s'était perdu. Aurait-il prolongé son vol pendant une heure (toujours sans être repéré) pour consumer du carburant avant de sauter ? Le temps de vol a-t-il été uniquement estimé en fonction de la capacité des réservoirs ? Quelle que soit la vérité et bien qu'un officier de la Bundeswehr aurait déclaré à son propos qu'il n'était qu'un "pauvre plouc", Y. Lvoitch se révéla être un cadeau du ciel pour les services de renseignement occidentaux comme en atteste un rapport du BND daté du 24 juillet 1973 (> Lien) (4). Outre l'avion lui-même, ce sont surtout les informations concernant l'usage des armes nucléaires tactiques, leur stockage et les procédures associées qui firent, on peut le dire, l'effet d"une bombe... Comme le résuma l'un des interrogateurs du transfuge soviétique : "Ce rapport était la première preuve solide que des armes nucléaires étaient bien stockées par l'Aviation Frontale de l'Union Soviétique !" E. Lvoitch a disparu des écrans radar après avoir obtenu l'asile politique. Quant aux restes de son appareil, alors que les Soviétiques en réclamaient la restitution immédiate, il ne les ont récupérés que le 31 mai 1973, fort logiquement au poste frontière de Helmstedt à l'est de Braunschweig.

PS Il faut croire que la région de Braunschweig exercait un certain magnétisme sur les pilotes de Grossenhain. En effet, le 17 septembre 1987, un Su-24 du 497.BAP (l'ancien 497.IBAP/APIB) survola la ville suite à des problèmes de navigation ! Mais ceci est une autre histoire et nous en reparlerons lorsque nous nous attaquerons aux unités de bombardiers.

With special thanks to Wolfgang Roehl for his photo collection


PAGE PHOTO Transfert du Su-7 
notes

(1) Selon les sources, le nom complet serait Yevgeni Vronsky.
(2) Ainsi, un article publié dans le Braunschweiger Zeitung du 29 mai 1973 affirmait que des missiles anti-missiles "Galosh" avaient été trouvés dans
     l'épave (Wie weiter bekannt wurde sollen die fachleute vor allem nach raketen-abwehrraketen (Nato code Galosh) in dem wrack gesucht und sie
     auch gefunden haben.
). Mais le missile 5V21 alias ABM-1 "Galosh" pour l'OTAN était un missile anti-missiles balistiques plus long qu'un Su-7 et
     pesant plus de 32 tonnes ! (> Lien) Il est vrai qu'un peu plus loin, il était précisé que cette information, comme d'autres, n'était pas encore
     confirmée...
(3) Terrain militaire de 1934 à 1945 et de 1958 à 2003 - devenu réserve naturelle en 2016.
(4) On notera que ce rapport comporte des erreurs, comme le point n°5 ou il est précisé que les bombes nucléaires ne nécessitaient pas de
     pylone dédié.


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