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Chipmunk Chipmunk Cela était déjà assez déplaisant en soi, mais nous devions en plus photographier les équipements les plus intéressants que les Soviétiques et les Allemands de l'Est auraient préférés garder au secret. De surcroît, l'aménagement du poste de pilotage rendait la navigation très difficile et le risque de se perdre était toujours présent. Cet inconvénient et la perspective d'un arrêt moteur étaient toujours présents à l'esprit des équipages, car leurs conséquences auraient bien pu nous entraîner dans ce que nous appelions "le long séjour en Russie" ("The long Russian course"). Cependant, les mécanos de RAF Gatow étaient, je suis heureux de le dire, assidus dans l'entretien des Chipmunk car ils savaient implicitement qu'il était vital qu'aucun appareil ne soit obligé d'effectuer un atterrissage forcé lorsqu'il était du mauvais côté du Mur, d'autant plus que beaucoup d'objectifs étaient éloignés, bien à l'est de Berlin-Est. Les Soviétiques n'appréciaient pas du tout ces survols, d'autant plus que nous n'étions pas les seuls Alliés pratiquant ce genre de mission. Les Français de Tegel et les Américains de Tempelhof survolaient également la BCZ, mais BRIXMIS était la seule Mission qui avait le contrôle total des ses propres opérations, exécutant à la fois les vols et les photographies. La Mission française assurait elle-même la photographie, mais les pilotes ne faisaient pas partie de la Mission. Quant aux avions américains, ils étaient mis en oeuvre par une organisation complètement différente. Il n'était par conséquent pas toujours possible de coordonner les activités avec le même degré d'efficacité que pour les missions au sol. La coordination terrestre était en effet établie lors de réunions hebdomadaires entre les états-majors des trois Missions. Lors de ces meetings, le planning était déterminé avec le plus grand soin afin qu'aucune rencontre inopinée entre deux Missions n'aie lieu près d'installations militaires en RDA.

UV-20A R-408 Antennes d'un système de communication troposphérique à relais multiples. © BRIXMIS.

Antennas of a multihop troposcatter relay communication system. © BRIXMIS.
En fait, il n'était pas inhabituel de voir un appareil américain couvrant le même objectif que nous. En principe, nous essayions d'éviter ce genre de situation qui attirait fort inopportunément l'attention. De plus, deux avions en orbite opposée au-dessus du même endroit en même temps - comme cela est arrivé plusieurs fois - n'était pas l'idéal en matière de sécurité aérienne. Le croisement frontal occasionnel nécessitait une attention particulière du photographe alors qu'il avait d'autres choses à l'esprit. Il y eu bien quelques tentatives de coordination en instaurant une séparation verticale, mais cela n'aboutit jamais à rien. Il n'y avait pas d'opération équivalente du côté de SOXMIS en Allemagne de l'Ouest; la Mission Militaire de Liaison soviétique à Bunde n'opérait qu'au sol. Ce n'est que par un heureux concours de circonstances que les accords sur Berlin entre les quatres puissances occupantes permirent aux forces alliées de faire voler des avions d'entraînement et de transport depuis et vers leurs aérodromes respectifs à Berlin. Les accords précisaient que ces vols ne visaient que le support des garnisons locales et qu'il ne devaient provenir que d'Allemagne de l'Ouest. Si certains vols ne correspondaient pas entièrement à ces stipulations, les contrôleurs soviétiques du BASC se sentaient obligés d'estampiller les plans de vol du cachet "sécurité des vols non garantie" - voilà qui aurait certainement perturbé les passagers des vols de British Airways provenant du Royaume-Uni à destination de Berlin-Ouest si ces derniers l'avaient su ! Bien entendu, les missions des Chipmunk entraient dans cette catégorie. La raison justifiant ces accords tenait au fait que Berlin-Ouest se trouvait 160km à l'intérieur de la zone d'occupation soviétique, mais les Soviétiques ont certainement dû les regretter lors du blocus de Berlin et du pont aérien qui s'ensuivit. En ces circonstances et vu la nature de nos activités, un atterrissage forcé en RDA nous aurait laissés totalement isolés sans possibilité de négociations immédiates et le sort de Gary Powers, le pilote de U-2 abattu au-dessus de l'URSS le premier mai 1960, nous traversait souvent l'esprit. Heureusement, cela n'arriva jamais car le moteur Gipsy Major de 145cv qui propulsait les Chipmunk se montra à la hauteur de la tâche en dépit du fait que des impacts de balles furent découverts dans le cône d'hélice en au moins deux occasions.

BMP Mi-8T C'est lors de l'un de ces incidents que nous avons eu la preuve qu'un soldat soviétique nous avais tiré dessus, car nous l'avions photographié alors qu'il pointait sa Kalachnikov vers le Chipmunk. A l'époque, comme j'étais navigateur de formation, je devais prendre part à ces missions et j'obtins de tels résultats que le QFI, Mike Neil, me dit que si j'arrivais à apprendre à piloter, il se mettrait au Russe. J'ai depuis obtenu ma license de pilote privé et je réalise maintenant que le Chipmunk n'était pas une machine des plus faciles à piloter et malgré cela, Mike Neil n'a toujours pas commencé à étudier le Russe ! Nous avions néanmoins des procédures d'urgence en cas de panne moteur, mais, comme toute personne sachant piloter un avion léger le sait, à 300 mètres ou moins, il ne reste que moins de deux minutes pour sélectionner la zone d'atterrissage et, dans notre cas, se débarasser des preuves compromettantes. Nous ne prenions pas sérieusement en considération la suggestion qui voulait que nous rassemblions tous les appareils photo, les objectifs et les films exposés pour les mettre dans le grand sac vert que nous emportions à cet effet, pour ensuite le jeter par-dessus bord dans le lac le plus proche. Ou bien, de manière encore moins pratique, essayer de loger le sac dans l'espace situé derrière le siège du pilote ou, sans doute, quelqu'un l'aurait retrouvé sans grande difficulté. De toute façon, le photographe était coincé à l'avant et il lui restait peu de place pour faire quoi que ce soit. Avec deux boîtiers photo, deux objectifs, beaucoup de films et un carnet de notes, il était impossible de cacher ce que nous faisions en réalité. D'autant plus que dans l'urgence, les deux membres d'équipage auraient été pleinement occupés à trouver une surface utilisable pour un atterrissage forcé. Tenant compte de ces problèmes d'espace disponible et de laps de temps très court avant l'impact avec le sol, le plan d'urgence le plus adapté consistait, une fois posé, à ouvrir les robinets de purge des réservoirs situés sous les ailes pour ensuite enflammer l'avion à l'aide des petites fusées que nous transportions avant que nous soyions arrêtés, pourvu, bien entendu, que nous soyions toujours conscients.

Leopard Véhicule de détection radar du champ de bataille SNAR-10 "Leopard" (chassis MT-LB). © BRIXMIS.

SNAR-10 "Leopard" battlefield radar vehicle (MT-LB chassis). © BRIXMIS.
1V15 Véhicules 1V15 (chassis MT-LBU) destinés aux commandants de bataillons d'artillerie en cours d'entretien. © BRIXMIS.

1V15 artillery battalion commander's vehicles being serviced (MT-LBU chassis). © BRIXMIS.
Nous étions briefés pour tenir à l'oeuil certains équipements ainsi que pour être attentifs aux mouvements de troupes inhabituels qui pouvaient présager d'un exercice à venir ou quelque chose de plus sinistre. Reconnaître instantanément le matériel de l'Armée soviétique était donc essentiel afin de permettre à BRIXMIS de détecter la mise en service d'un nouvel équipement. Dans ce cadre, une de nos plus fameuses trouvailles fut de découvrir que les Soviétiques avaient repeint 80% de leurs équipements avec de la peinture immune à la détection infrarouge. Les sorties duraient normalement entre une heure quarante-cinq minutes et deux heures quinze minutes, mais nous avions beaucoup de latitude lorsque nous prenions des photos dans la BCZ. Les installations qui se trouvaient dans la zone comprenaient plusieurs quartiers généraux divisionnaires soviétiques, des champs de manoeuvre, une base aérienne abritant des MiG-25 "Foxbat" de reconnaissance [Werneuchen], deux bases d'hélicoptères [Oranienburg et Rangsdorf] et beaucoup d'autres objectifs certes moins prestigieux, mais néanmoins importants. Ayant reçu la permission de voler dans la BCZ (mais pas en-dessous de 300 mètres), une sortie normale commencait par la zone de Potsdam, à l'ouest de Berlin-Ouest, où se trouvaient trois divisions soviétiques, à savoir la 10ème Division blindée de la garde (à Krampnitz), la 35ème Division de fusiliers motorisés (à Döberitz) et la 34ème Division d'artillerie (à Potsdam) où les servants avaient la désagréable habitude de s'entraîner en pointant leurs canons vers notre avion quand nous les survolions. Nous continuions ensuite vers les voies ferrées dédiées qui desservaient ces unités et nous observions enfin leurs champs d'entraînement respectifs. La raison pour laquelle nous nous concentrions sur cette partie de la BCZ reposait sur le fait que nous pouvions alors rapporter toute activité à l'équipe au sol Alliée qui allait couvrir Potsdam et ses environs pendant 24 heures en mission locale. Toute activité intéressante était plus évidente vue du ciel car plus difficile à dissimuler. L'observation aérienne permettait également de déceler les emplacements où les équipes au sol étaient susceptibles d'être arrêtées, tels que les quais d'embarquement/débarquement de matériel où le risque d'être pris en embuscade étaient grands étant donné que ces sites n'étaient souvent accessibles que part une piste unique. En tant que photographe, ma préférence personnelle était de voler autour de la BCZ dans le sens des aiguilles d'une montre, alors que d'autres officiers de la RAF avaient leurs propres habitudes.


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