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Sperenberg 1V16 Un samedi après-midi particulièrement brumeux, nous avions réussi à devenir "peu sûr de notre position" et nous avions volé aussi loin que l'aérodrome de Sperenberg, que nous avions identifié au grand nombre d'avions de transport présents. Ayant réalisé notre erreur, nous avons aussitôt viré au nord pour rejoindre la BCZ. Etonamment, il n'y eu pas de réaction parce que les Soviétiques ne nous avaient pas remarqués ou avaient décidé de nous ignorer. Malgré tout, les pilotes se perdaient rarement en dépit de leur importante charge de travail, devant satisfaire les caprices des photographes et tenir l'avion en virage serré de manière précise afin d'obtenir les meilleures photographies. J'ai cependant entendu des murmures provenant du siège arrière, quand je demandais de tenir un virage à 60 degrés d'inclinaison pour réaliser un meilleur gros-plan. Malgré nos incursions occasionnelles dans l'espace aérien de l'Allemagne de l'Est, les seules plaintes concernant les Chipmunk continuèrent de se concentrer sur Schönefeld avec de prétendues violations des circuits d'arrivée et de départ, même si nous pouvions prouver que nous étions restés loin de cet aérodrome. Je suspecte qu'il s'agissait d'une manière de nous avertir que nous étions surveillés et d'ailleurs, plus les installations survolées étaient importantes, plus il y avait de protestations. Il est heureux que personne ne se soit aperçu de nos incursions vers Kagel. La procédure normale voulait que nous volions ensuite vers le nord-ouest et le terrain d'hélicoptères de Rangsdorf qui abritait un grand centre de maintenance. Parfois, l'activité y était intense lorsque les hélicoptères étaient testés en vol. En une occasion, sans doute parce que les pilotes s'ennuyaient, deux hélicoptères d'attaque ont essayé de forcer un Chipmunk à atterrir. L'appareil avait pu s'échapper en s'inclinant à 90° sur la tranche pour passer entre les deux "Hind" en rapprochement. Heureusement, ce genre d'incident était rare et notre principale préoccupation portait sur le bon fonctionnement de notre moteur.

SA-4 Train Sur le chemin du retour, il y avait au sud de Potsdam le grand champ de manoeuvre de Glau qui était dominé par un site permanent de SA-4 avec son radar de poursuite "Pat Hand" au sommet d'une colline. On y trouvait toujours beaucoup d'équipements du génie en exercice, tels que bulldozers, poseurs de canalisations, ou encore du matériel plus exotique pour nettoyer les champs de mines comme les chars équipés du dispositif ad hoc et même la version soviétique de la "torpille de Bangalore" qui projetait 100 mètres de matériel explosif afin de dégager un chemin à travers un champ de mines. Avant de retourner à Gatow, nous survolions habituellement les casernements du génie à Werder où les Soviétiques semblaient se débarasser de tous leurs équipements dépassés ou irréparables. Dans la même zone, à l'ouest de Gatow, les Allemands de l'Est s'entraînaient durant certaines périodes sur le Berliner Ring en vue de leurs deux parades militaires annuelles à Berlin Est, avant le premier mai et avant l'anniversaire de la fondation de l'Etat est-allemand en octobre [le 7 octobre 1949]. Nous pouvions y voir inévitablement tout le matériel qui était destiné à parader et, même parfois, des équipements qu'ils avaient décidé à la dernière minute de ne pas faire défiler. Finalement, en nous rapprochant de Gatow, nous allions jeter un coup d'oeuil au terrain d'entraînement voisin de Döberitz où les chars pratiquaient le tir réel. Les Soviétiques étaient censés utiliser des obus à faible charge explosive, mais à en juger par le bruit et la quantité de terre déplacée par les explosions, je doute qu'ils s'en soient tenus aux accords. Il était toujours intéressant de noter, durant l'approche vers la piste 09, qu'il y avait également un grand nombre de maquettes représentant des équipements de l'OTAN qui étaient manifestement utilisés pour apprendre aux nouvelles recrues à les reconnaître. L'approche finale de la piste 09 nous amenait aussi tout près d'un casernement des Gardes Frontières est-allemands et de leur terrain de manoeuvre. Il y eut quelques incidents avec eux, comme quand ils tirèrent sur ce C-130 qui avait atterri à Gatow avec une fuite de carburant causée par une balle de Kalachnikov. Une fois posés, nous suivions la même procédure que lors de notre départ, roulant jusqu'au hangar avant de débarquer avec nos appareils photo et les films à l'intérieur de ce dernier. Ces vols se déroulèrent deux ou trois jours par semaine pendant toute la période de mon affectation à BRIXMIS.

2S5 2S6 En dépit de tout et dans le cadre du renseignement en général, il faut souligner que cette opération qui dura près de 35 ans se déroula sans incidents vraiment sérieux. Il y eu bien de quasi catastrophes, mais nous nous en sommes sortis, la chance souriant aux audacieux. L'opération était si délicate que les vols devaient obtenir l'approbation du Bureau du Cabinet. D'ailleurs, à chaque changement de gouvernement, les vols étaient suspendus de peur que se produise un incident. Il est certain que ces derniers ont permis la collecte de nombreux renseignements de grande valeur qui n'auraient pas pu être rassemblés d'une autre manière. Je suspecte que la hiérarchie soviétique, bien que n'étant pas de conivence, a fermé les yeux sur nos activités. La raison pour laquelle j'affirme cela repose sur le fait que beaucoup d'officiers en poste au Haut Commandement soviétique avaient vécus la Grande Guerre Patriotique et ne voulaient pas renouveler l'expérience dans tout autre conflit. Le seul moyen à leur disposition afin de dissuader l'Ouest de se lancer dans des frappes préventives contre le Pacte de Varsovie, était d'exposer leur matériel. Ils espéraient ainsi que les politiciens occidentaux téméraires qui misaient sur une victoire rapide contre le Pacte de Varsovie, comprendraient face à ces informations indiscutables, qu'une telle aventure tournerait au désastre. Abattre un avion aurait été enfantin, pour ensuite faire grand cas à propos de cet "incident" tragique. Il est clair qu'ils savaient exactement en quoi consistaient les vols, car la SRE mentionnait souvent de manière indirecte qui avait participé aux missions et où ils avaient été vus avec le Chipmunk au-dessus d'installations à l'intérieur de la BCZ, voire prétendument à l'extérieur.

Chipmunk Chipmunk Le Gouvernement britannique a permis à cette opération de continuer pendant de nombreuses années, à l'insu du public britannique alors qu'il savait que tout incident sérieux aurait pu entraîner des dommages sur le plan politique aussi bien en interne qu'internationalement. Il semble cependant que l'ensemble de l'opération convenait aux deux parties pour des raisons diamétralement opposées. Les Chipmunk exécutèrent ces missions de renseignement sans encombre jusqu'en 1990 quand BRIXMIS fut finalement dissous (1), mais les avions restèrent à RAF Gatow à des fins d'entraînement jusqu'à ce que la base ferme ses portes le 30 juin 1994. Ce n'était néanmoins pas encore la fin de l'histoire pour les Chipmunk de Berlin. Des objets destinés à un nouveau musée qui commémorerait la présence des Forces alliées à Berlin-Ouest pendant presque 50 ans étaient rassemblés par les autorités allemandes. Une demande fut reçue pour que l'un des avions soit inclus dans l'exposition et, qui mieux que Mike Neil, l'ancien QFI de Gatow avec qui j'avais volé en maintes occasions et qui avait bouclé deux tours d'opération dans ce rôle, pouvait assurer le convoyage de l'appareil. Pour le dernier voyage, il décolla de RAF Laarbruch à destination de Tempelhof pour ce qui devait être un vol sans histoire, mais il fut presque immédiatement rappelé pour être averti qu'il serait accueilli par la presse internationale qui venait juste d'être informée sur le rôle réel des Chipmunk à Berlin depuis 1956. De plus, non seulement le Chipmunk convoyé était l'un des avions "espion", mais le pilote était aussi l'un des pilotes "espion".

© Roy Marsden

Roy Marsden témoigne dans la vidéo suivante à partir de 10' > Lien
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Chipmunk


notes

(1) BRIXMIS a cessé ses opérations le 2 octobre 1990 et à été dissous le 31 décembre 1990.

Chipmunk T10 du RAF Gatow Station Flight utilisés par BRIXMIS:
WG303 et WK587 > 1956-1966 *** WP850 et WP971 > 1966-1974 *** WZ862 et WD289 > 1974-fin années 80 *** WG466 et WG486 > Fin années 80-1990.


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